Archive Février 2024
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Février 2024
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Munch
Après son premier amour, le jeune Edvard Munch se rend à Berlin où la révélation de son génie se heurte aux réticences de l’arrière-garde. On le retrouve plus tard à Copenhague, en proie aux doutes et en lutte contre ses propres démons.
Au crépuscule de sa vie, il consacre ses dernières heures à préserver son œuvre de la mainmise des nazis qui occupent la Norvège. Ces motifs dressent le portrait foisonnant et changeant de l’homme derrière Le Cri.
Compte rendu de la séance
John
Génie ou folie ? La vie de l’artiste norvégien Edvard Munch pose L’éternelle question sur le moteur de le création artistique. Clairement les deux s’enlacent dans la vie d’Edvard Munch. En proie à ses démons, se demandant s’il était fou ou malade, la peinture le rendait libre, lui permettant d’exprimer toutes ses angoisses afin de vivre. Des angoisses, des colères en forme d’ aplats de couleur vive, une magnifique palette expressionniste avec laquelle il cherche à représenter les sentiments et les émotions à l’état pur, taillés à l’os, sans concession aucune. Une mélancolie que l’artiste aimait, peu appréciée par le public. Son œuvre est rejetée une première fois :
« À l’automne 1892, Munch présente les fruits de son séjour français. À la suite de cette exposition, il est invité par l’Union artistique berlinoise (Berliner Kunstverein), où ces mêmes œuvres doivent être exposées à l’Architektenhaus. Mais cela finit par un cauchemardesque succès de scandale. Le public et les vieux peintres accueillent Munch comme une provocation anarchiste, et l’exposition est fermée à cause de ces protestations. » WIKIPEDIA
Un deuxième rejet le marquera profondément :
« Dans les années 1930 et au début des années 1940, les nazis jugent son œuvre « art dégénéré » et retirent officiellement, en 1937, 82 tableaux de Munch exposés dans les musées allemands. Le peintre norvégien sera profondément remué par cette situation, lui qui était antifasciste mais considérait l’Allemagne comme sa seconde patrie. »
L’éternel incompris noie son chagrin dans son alcoolisme déstructeur, avec l’appui des médicaments fournis par son médecin psychiatre. Peu chanceux dans sa vie amoureuse avec des femmes il avait la chance d’avoir trois soutiens fidèles au cours de sa vie . Sa gouvernante, son médecin et son ami Stenersen qui l’accompagne jusqu’à la fin. Une vie qu’il terminera cloîtré dans sa propriété près d’Oslo en 1943 dans un pays occupé par les nazis, il vivait dans la peur de se faire voler ses tableaux par l’occupant, se faire voler sa vie .
Sont projetées quatre périodes de sa vie, avec des allers-retours chronologiques qui peuvent prêter à confusion. Qui plus est le réalisateur crée l’alter-ego de Munch, créateur projeté dans le monde contemporain, artiste dans l’underground berlinois . Certains spectateurs ont trouvé peu intéressant ce portrait rajouté et ses dialogues des plus abscons. En dehors de ce bémol c »est un film très honorable.
Nous avons l’habitude de demander les films biopics sur les artistes. Notre public semble les apprécier .
« L’expressionnisme est la projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle. Les représentations sont souvent fondées sur des visions angoissantes, déformant et stylisant la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive. Celles-ci sont le reflet de la vision pessimiste que les expressionnistes ont de leur époque. » WIKIPEDIA
Jean-Marie
J’ai vu tout le film avec, depuis le début, un souvenir enfoui : celui de mes années d’étudiant où pour la première fois j’ai découvert Munch dans l’Histoire mondiale de l’art des éditions Marabout. Je revoyais distinctement la page où était reproduit le célèbre tableau « Le cri », déjà impressionnant en noir et blanc, et qu’on peut voir décliné aujourd’hui sur tous les tons via Internet.
Mais si j’avais un souvenir extrêmement net de ce tableau, je constatai bien vite que j’étais intérieurement passablement vexé de n’avoir, en revanche, absolument aucun souvenir du commentaire textuel qui devait l’accompagner. Bref, je ne savais pratiquement rien de Munch, et je devais compter sur le seul film pour m’instruire des détails de sa vie… et de son œuvre, qui était présentée par le cinéaste avec des nombres considérables, au-delà des 30 000.
A la fin du film (je ne triche pas, car je l’ai dit pendant le débat) les premiers mots qui me vinrent à l’esprit furent ceux de la chanson de Jean Ferrat sur Van Gogh. Je le citai mal, d’ailleurs, en croyant qu’il y parlait de « peinture hallucinée », ce qui me paraissait parfaitement correspondre à ce que je venais de voir chez Munch. Si le mot clé est bien présent chez Ferrat, c’est sous une forme un peu différente : « T’étais zéro au Top 50, t’étais pas branché comme il faut/ Avec ta gueule hallucinante pour attirer les capitaux ».
Rentré chez moi, histoire de me rajeunir, je me suis précipité sur ma bonne vieille Histoire de l’art, et là, dans la notice sur l’expressionnisme, je suis tombé sur deux occurrence d’« halluciné ». C’est bien ce qui m’a paru être le terme le plus propre à caractériser à la fois l’œuvre du peintre et le film, et, de ce point de vue, il n’y a pas trahison de l’une par l’autre. En souvenir de cette lointaine lecture, je présente les pages du Marabout après ce compte rendu : je nous fais ce cadeau, à vous et à moi, quasiment en même temps.
Je précise tout de suite que j’ai bien aimé le film, sans même être gêné par les éléments de modernité anachronique qui en ont, de leur propre aveu, dérouté plus d’un. Quand un auteur s’empare d’un personnage du passé qu’il admire, il n’est pas rare qu’il procède ainsi, pour montrer qu’il est de toute les époques, de la nôtre, et aussi, pourquoi pas, des époques futures, manière de nous prouver qu’il le trouve intemporel, c’est-à-dire éternel. Cela dit, à la différence de nombreux films que nous avons présentés et qui s’appuyaient sur un contexte historique bien utile à la compréhension et que je possédais, cette fois, je me trouvais bien démuni de repères antérieurs qui m’auraient été certainement tout aussi utiles. Mais cette lacune ne m’a pas pour autant privé d’une bonne soirée cinématographique, et cela m’a paru bien encourageant pour les cas où plusieurs spectateurs font souvent état de leur regret de n’avoir peut-être pas entièrement apprécié un film, faute d’en maîtriser le contexte historique ou culturel: ce n’est pas forcément rédhibitoire.