Archive Mars 2024
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Mars 2024
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Et plus si affinités
Usé par vingt-cinq ans de vie commune, le couple formé par Xavier et Sophie semble à bout de souffle. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’idée de Sophie d’inviter à dîner leurs voisins, Adèle et Alban, n’enchante pas Xavier. Il reproche à ce couple, visiblement très amoureux, son manque de discrétion, surtout la nuit !
Au contact de ces voisins aux mœurs débridées, Xavier et Sophie vont devoir se confronter à leur réalité, avant d’être poussés dans leur retranchement par une proposition quelque peu… indécente.
Compte rendu de la séance
Jean-Marie
Je vais être franc, il y a bien eu l’expression d’une déception à la fin de la séance. Mais je rassure tout de suite : on m’a aussitôt incité, si j’en rendais compte, de le faire d’une manière telle qu’elle apparaisse pour ce qu’elle était en réalité, c’est-à-dire un compliment. Explication : les personnes de l’équipe du film (à savoir les deux réalisateurs, l’acteur, le producteur et la productrice, et aussi le chauffeur) ont tellement capté la sympathie du public lors de leur présentation, que celui-ci, il faut bien employer le mot, s’est déclaré déçu de ne pas pouvoir échanger avec elles à la fin de la projection, pour manifester chaleureusement toute la gratitude éprouvée à proportion du bien que ce film lui a fait.
J’ai tout de suite pensé que Du Bellay, Molière, Racine même, auraient aimé ce film, eux qui n’ont cessé de proclamer, à leur manière et à leur époque, que la principale règle en art, sinon la seule, était de plaire, et de toucher le public. Car le public, et de bon cœur, a ri comme rarement on a entendu rire à une séance de Ciné Rencontres. Et contrairement à une idée reçue, c’est une des tâches les plus difficiles qui soit que de parvenir à obtenir ce résultat, comme le soulignait Molière lui-même quand il avouait: « C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. »
C’est sans doute qu’on retrouve ici le plaisir qu’on éprouvait enfant à rire devant les clowns équilibristes qui menaçaient de tomber à chaque pas qu’ils faisaient sur leur fil, apparemment grotesquement comiques, et en fait suprêmement virtuoses. Il faut dire que les situations qui s’enchaînent sont des plus casse-gueule, et que seule une maîtrise sans faille de l’écriture nous permet de rire sainement, là où on aurait pu craindre la chute dans le discutable, pour ne pas dire pire. A la vue du résumé, en effet, on aurait pu craindre, comme ce fut le cas pour Max Ophüls à la sortie de La ronde, du graveleux, du lourdement potache, du mauvais goût à la pelle… Au lieu de cela, nous reçûmes avec bonheur du dialogue ciselé plein de finesse, du comique de situation et du comique de mots en rafale.
Comme, entre autres, dans Le prénom, de deux réalisateurs là aussi (Alexandre De La Patellière, Matthieu Delaporte), ou encore dans Coup de chance, de Woody Allen. On a eu droit à du Bernard Campan subtil et émouvant derrière son caractère bougon (Jean-Pierre Bacri a été évoqué), à une Isabelle Carré délicieusement ambiguë avec sa naïveté perverse ou sa perversité naïve (ça marche dans les deux sens), à une Julia Faure irrésistible, capable de vous vendre comme tout à fait naturelle et séduisante la plus incongrue des situations, et enfin à un Pablo Pauly que nous avions découvert sur l’écran dans Patients puis dans Les invisibles, et qui, cette fois en présentiel, a bien mérité qu’on lui décerne le titre de « très grand acteur comique ». Un casting homogène donc dans le haut niveau, et on a rappelé à ce sujet que les prix d’interprétation, tant féminine que masculine, du festival de l’Alpe d’Huez 2024 ont bien été décernés, comme l’affiche le proclame, aux quatre vedettes du film.
Et quand, cerise sur le gâteau, j’ai entendu les premières notes de « La Chanson des vieux amants » de Jacques Brel, j’ai cru un instant que le film n’avait été fait que pour moi et uniquement pour me plaire ! Mais non, les rires étaient bien dans toute la salle, parfaitement collectifs, et le rire de Dominique par exemple, des plus spontanés et communicatifs, était bien au-dessus de tout soupçon d’être si peu que ce soit forcé.
Si bien que si les membres de l’équipe du film s’étaient de nouveau présentés dans la salle à la fin de la projection, informés à la fois de nos éventuelles préventions et de notre heureuse surprise, et qu’ils nous aient fait cette simple remarque : « Hé bien, on vous a bien eus ! », on n’aurait pu leur répondre autrement que par un applaudissement unanime.
Dernière remarque : ce compte rendu, même si je le signe, est en fait collectif, étant le résultat d’un échange d’après le film, même s’il n’y eut pas de débat dans la salle en raison de l’horaire et donc de la séance suivante. Dans le hall, en effet, nous avons discuté longtemps avec nos adhérents qui restèrent et avec les deux responsables du cinéma. Ces dernières, pour le faire court, ont souligné le fait que la communication de notre association fut efficace pour aider à remplir la salle, et nous, en retour, nous nous sommes réjouis de la qualité de leurs choix de programmation. Une soirée agréable, on vous dit !