Archive Mars 2024
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Mars 2024
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Il reste encore demain
Mariée à Ivano, Delia, mère de trois enfants, vit à Rome dans la seconde moitié des années 40. La ville est alors partagée entre l’espoir né de la Libération et les difficultés matérielles engendrées par la guerre qui vient à peine de s’achever. Face à son mari autoritaire et violent, Delia ne trouve du réconfort qu’auprès de son amie Marisa avec qui elle partage des moments de légèreté et des confidences intimes.
Leur routine morose prend fin au printemps, lorsque toute la famille en émoi s’apprête à célébrer les fiançailles imminentes de leur fille aînée, Marcella. Mais l’arrivée d’une lettre mystérieuse va tout bouleverser et pousser Delia à trouver le courage d’imaginer un avenir meilleur, et pas seulement pour elle-même.
Compte rendu de la séance
John
Je vous invite à lire mon petit mot en imaginant de l’entendre lu avec un accent italien prononcé, pour faire durer le plaisir « il piacere » d’écouter la magnifique musique de la langue italienne que nous avons tant dégustée lors de la projection hier soir. Vive la version originale si chère à Ciné-Rencontres, car le même film en version islandaise ou norvégien perdrait sans aucun doute une grande partie de son charme selon moi. Désolé pour nos amis du Nord qui n’ont qu’à apprendre l’italien comme tout le monde, poser leur hareng saur et se ruer sur une glace italienne.
Le film est classé comme comédie et l’éternelle question revient. Peut-on rire de tout puisque nous avons affaire à un sujet très grave ? Ma réponse sera que nous devons regarder de près l’intention, ainsi je ris jusqu’à en pleurer devant Roberto Benigni dans « La vie est Belle », je ne rirai certainement pas devant un spectacle de Dieudonné.
Pour Benigni, c’était son premier film comme celui-ci de Paola Cortellesi, et dans les deux cas, le public italien a massivement adhéré/ : plus de cinq millions d’entrées pour « Il reste encore demain ».
La réalisatrice est une présentatrice, humoriste, chanteuse et actrice italienne très populaire en Italie, ce qui explique partiellement l’attrait du film. Cela ne suffit pas cependant et les qualités intrinsèques de l’oeuvre doivent être mises en lumière. Tout d’abord la vénération des grandes comédies italiennes et leur polarisation extrême des émotions, on passe des éclats de colère à la joie débridée, du rire aux larmes, d’une scène à l’autre. La musique, le rythme souvent effréné et la langue aidant, on est projeté sur la scène de la comédie humaine à la sauce italienne avec ses bruits, ses silences aussi, ses exagérations et excès, ses disputes et ses réconciliations. Sans retenue, tout est exposé, cela pique et nous écorche, c’est voulu.
Sans dévoiler les secrets du film, je note quelques scènes mémorables . Tout d’abord les toutes premières images saisissantes qui donnent le ton. Peu après, la course de Delia à travers le ville qui passe devant une galerie de portraits vivants à la Fellini, des mendiants, des petits commerçants de rue, des badauds, un coiffeur installé sur le trottoir et « tanti altri » sur une musique rock débridée qui semble tellement décalée et pourtant irrésistible. Course qui se termine dans une maison bourgeoise où Delia vient laver le linge, un de ses nombreux emplois et cette fois-ci une galerie de portraits figés au mur. Tout est en mouvement, tout est figé, message du film ?
Autre scène inoubliable la danse amoureuse et excessivement romantique de Delia et son premier amour totalement mise en dérision par le sourire au chocolat. Que dire de la séquence de violence chorégraphiée qui a marqué le public ? On joue très souvent sur les contraires, on rit quand il faudrait pleurer, l’effet de surprise est maintenu jusqu’aux toutes dernières images.
Le titre du film ? Il reste encore demain . Un spectateur très attentif a bien noté que les femmes italiennes ont pu voter pour la première fois en juin 1946 sur deux jours consécutifs, nous assistons à la première journée, il reste donc encore demain . Demain pour que s’ouvre « la bocca chiusa » la « bouche fermée » des femmes tant souhaitée par le patriarcat italien. Plus sinistre, il reste encore demain pour d’autres féminicides, on entend mille fois dans le film « je vais te tuer », l’exagération toujours mais….
En 1946 ce sont 89% des femmes italiennes qui ont voté.
Formidable film à voir et revoir.