Archive Octobre 2023
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Octobre 2023
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L’arbre aux papillons d’or
Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto à Saigon, Thien se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal. Il y emmène également son neveu de 5 ans, Dao, qui a miraculeusement survécu à l’accident.
Au milieu des paysages mystiques de la campagne vietnamienne, Thien part à la recherche de son frère aîné, disparu il y a des années, un voyage qui remet profondément en question sa foi.
Compte rendu de la séance
John
Le ton est donné dès les premières images et dialogues, nous prenons le départ du voyage,intérieur de Thien, héros à la dérive, en quête d’un sens pour sa vie, lui qui affirme vouloir croire en Dieu mais ne pas en être capable. Le dieu chrétien, car le film se passe dans la population chrétienne du Vietnam. Thien, en perdition à Saigon, vit dans les ténèbres et la « puanteur de la vie des hommes qui vivent sur la terre ici bas » loin des lumières « des âmes vertueuses et pieuses qui nous observent du paradis ». La « futilité » de sa vie faite de football, alcool et salons de massage sera rapidement confrontée au choc de la mort de sa belle-sœur dans un accident de la route.
Thien se trouvera chargé de ramener son jeune neveu qui a survécu à l’accident et le cercueil de sa belle-sœur dans son village natal. Vie et mort se confrontent dans un traitement très manichéen qui se déclinera à de multiples reprises au cours du film. Certains spectateurs ont trouvé le film trop long et auraient volontiers coupé nombre de plans séquences animés par des travellings poussifs. L’utilisation de longs plans fixes frontaux, des cadrages photographiques sur des personnages toujours placés au centre de l’image en pleine lumière, entourés de parties sombres, a lassé ces mêmes spectateurs.
Le réalisateur emploie des contrastes flous/nets et des images saturées. La bande-son comporte des silences intéressants. Pour ma part, j’ai accepté les règles du jeu et ces choix qui m’ont emmené sur ce parcours de trois heures, bercé par cette lenteur, hypnotisé par ces contrastes de lumière et d’ombre dans des paysages magnifiques de la campagne vietnamienne. Est-ce le chemin du héros ou du réalisateur que l’on suit vers une vie spirituelle qui « sauvera » son âme ? Le massage lubrique du début du film contrastant avec le « baptême » purificateur de la fin, la catharsis de son corps libéré des passions antérieures et son amour pour une femme rentrée depuis dans un couvent comme sœur.
D’autres références bibliques sont citées. On peut y trouver aussi des symboles qui racontent le passé douloureux du Vietnam avec, par exemple, le combat des coqs, symbole de la guerre des frères du nord et du sud. On cite en passant la tragédie des boat-people. On fait clairement allusion aux liens avec les ancêtres dans une analyse plus bouddhiste, que reste-t-il après une vie ? Rien pour le vieux militaire qui veut effacer toute trace de son passage sur terre, tout pour cette superbe vieille femme qui aspire à rejoindre d’autres âmes au paradis.
Que dire du titre du film ? Je vous invite au voyage à la recherche de sa signification. Dans une culture aussi éloignée de la nôtre, même si nous partageons les codes de lecture chrétiens dans ce cas précis, chacun a vu un film différent. Vive la différence !