Archive Octobre 2023
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Octobre 2023
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Les feuilles mortes
Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour.
Mais la vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur.
Compte rendu de la séance
John
Pour mieux cerner le personnage du réalisateur je propose quelques détails biographiques qui éclairent sa démarche :
Il étudie le journalisme pendant trois ans à l’université de Tampere. Selon ses propres mots, Aki Kaurismäki « regrette de ne pas avoir passé ces trois années dans une école professionnelle, le métier de menuisier ou d’électricien aurait eu au moins une utilité ». Il est recalé à l’entrée de l’école de cinéma, où on le juge trop cynique. Il apprend donc sur le tas. Pour gagner sa vie, il exerce une grande variété de métiers (facteur, ouvrier du bâtiment, etc.), le reste du temps il voit une grande quantité de films dans les circuits Art et Essai et commerciaux, et lit beaucoup.
ENTRETIEN DANS LIBERATION – 1997
Si vous aimez le tango, vous êtes mélancolique, vous ne serez probablement jamais heureux.
« C’est comme ça…» En fin d’après-midi, devant les verres qu’il aligne sans compter, Aki Kaurismäki est plutôt chagrin.
Névrosé. A l’heure du déjeuner, tout allait à peu près bien. A table, le plus connu des deux frères Kaurismäki refuse de s’asseoir dos à la porte : « Je suis névrosé». Il pose d’invraisemblables devinettes sur le cinéma et parle de ses vignes au Portugal « 500 bouteilles par an pour la consommation personnelle ». De bar en bar, de verre en verre, il en vient à la musique. Comme tous les éléments de ses films, elle est d’un temps révolu dont il ne veut pas s’échapper ; « Je suis nostalgique d’une époque où les objets avaient du style. Je ne me fais pas à l’univers de la technologie consommation et du gâchis ». « Je suis irrémédiablement triste, si les autres ont de l’espoir, c’est tant mieux… » dit-il encore. Ce fond gris, Kaurismäki le noie dans l’alcool qui le rend franchement noir.
Ces informations permettent de mieux comprendre les films du réalisateur finlandais. On se noie dans l’alcool, on est au bord de la dépression. Comme toujours, Kaurismaki fait un pas de côté, dans cette nouvelle tragi-comédie romantique troublante dans laquelle les personnages sont « prisonniers de leur vie » et devant « des cimetières clôturés ». Je cite des phrases extraites du
film, aux existentialistes de décortiquer.
Constamment perplexe, j’ai cherché à distinguer le premier et le deuxième degré, à décider si Kaurismaki est finalement un vrai ou un faux romantique, le film est-il réaliste ou simplement un portrait caricatural au vitriol de la société finlandaise ? Les hommes sont décrits comme « moins futés et sympathiques que les porcs ». On sent en permanence une auto-critique et une recherche désespérée d’une porte de sortie, porte de survie, un espoir qui ferait que la vie vaut la « peine » d’être vécue.Cet espoir sera trouvé à la fin du film dans deux déclinaisons différentes mais je ne dirai pas plus. Le film rend hommage à Bresson, Godard et Chaplin, les clins d’oeil sont nombreux. Il y a du Ken Loach aussi et une sévère critique de notre société dès les toutes premières images et les premières paroles entendues à la radio, critique intemporelle car on brouille les pistes, rien ne change, tout reste à faire pour assurer une vie digne de ce nom.
Mentionnons une formidable collection de « gueules » digne de Fellini et les portraits à la Hopper des cafés et leurs clients devant leurs chopes de bière, « un alcool si triste ». Chacun enfermé dans sa solitude, La parole est rare, si rare qu’elle menace l’éventualité d’une relation amoureuse entre les deux principaux personnages du film. Parole rare mais musique omniprésente qui accompagne et épice le déroulement du scénario, Kaurismaki se fait plaisir.
Et puis un discret baiser sur le front, un « héros » qui sort d’un coma en se demandant s’il est mort. Non, il est vivant et les spectateurs interpellés par l’universalité du message.
A consommer sans modération.
Bravo.