Archive Septembre 2023
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Septembre 2023
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Tatouage
La jeune Otsuya et son amant Shinsuke fuient la maison familiale pour vivre leur amour et trouvent refuge chez Gonji, un escroc qui se prétend être leur ami mais il les trahit. Il vend la jeune fille au tenancier d’une maison de geishas qui fait tatouer sur le dos d’Otsuya une araignée à tête humaine dans le but de briser sa volonté. Le contraire se produit et le tatouage métamorphose Otsuya.
Elle devient une geisha sans scrupule et extermine les hommes qui ont fait son malheur. Manipulatrice et sanguinaire, elle semble possédée par l’araignée gravée sur sa peau…
Compte rendu de la séance
John
Les discussions furent vives après la projection autour des influences et ressources en amont de la réalisation en 1966 et les répercussions éventuelles. De Shakespeare à Buster Keaton, du soft porno au burlesque, de Tarentino au théâtre Kabuki.
Dans les tragédies de Shakespeare , le protagoniste principal a généralement un défaut qui conduit à sa chute. Il y a des luttes à la fois internes et externes et souvent un peu de surnaturel ajouté pour faire bonne mesure (et tension). Il y a souvent des passages ou des personnages qui ont pour tâche d’alléger l’ambiance (relief comique), mais le ton général de la pièce est assez sérieux.
Toutes les tragédies de Shakespeare contiennent au moins un autre de ces éléments :
• Un héros tragique
• Une dichotomie du bien et du mal
• Un tragique gâchis
• Hamartia (le défaut tragique du héros)
• Questions de destin ou de fortune
• Avidité
• Vengeance immonde
Jean-Marie
Avec ce film de 1966 ressorti dans la modernité de notre XXIe siècle, on avait largement de quoi penser et réagir.
Ballotté de femme fatale en femme salope, chacun comprenait vite qu’on n’était pas dans l’ère du post Me Too. On a donc été d’accord pour dire que ce genre de film ne serait plus possible aujourd’hui, et que, si on veut l’apprécier, il faut le faire en le resituant dans le contexte de son époque.
Le public d’origine, qu’on imagine volontiers largement masculin, mode du porno soft oblige, s’est sans doute réjoui, par exemple, de voir la femme du Thénardier sauvagement zigouillée par son mari qui n’hésite pas une seconde à sacrifier sa complice sur l’autel de sa concupiscence.
Des scènes d’horreur théâtralisées jusqu’au grand guignol, par un mécanisme bien établi, suscitent autant le rire que l’effroi. Cela m’a évoqué l’atmosphère de mes années étudiantes, où les films dits d’horreur, dont les meilleurs étaient signés Roger Corman, provoquaient invariablement de telles réactions apparemment contradictoires. J’ai constaté la même chose avec la sortie de l’Exorciste, mais là, on le sait, les rires étaient bien davantage minoritaires.
Ici le fatum grec prend l’aspect d’une araignée tatouée, et cette perte de maîtrise de la belle héroïne fait que cette manière d’Edmonde Dantès suscite beaucoup moins d’adhésion sympathique que le héros de Dumas. N’empêche, le quasi doyen de la jeune Nouvelle Vague japonaise met sa patte toute personnelle dans ce qui pourrait n’être qu’une production commerciale, et son côté délicieusement subversif, y compris socialement, n’est sûrement pas à dédaigner. D’autre part, et même si la mondialisation commerciale y est pour beaucoup, ce syncrétisme esthétique des codes orientaux et occidentaux n’est pas dépourvu de valeur artistique.
Je mets ci-dessous en illustrations quelques références dont j’ai pu faire état au cours du débat, en assumant totalement leur côté disparate. Car ce film s’inscrit dans une tradition fascinante, même s’il la restitue sous forme de nombreux clichés, et la qualité de la photographie – beauté des paysages, beauté de la peau que la caméra caresse avec sensualité – a été saluée à l’unanimité des spectateurs présents.