Archive Novembre 2023
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Novembre 2023
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Fermer les yeux
Julio Arenas, un acteur célèbre, disparaît pendant le tournage d’un film. Son corps n’est jamais retrouvé, et la police conclut à un accident.
Vingt-deux ans plus tard, une émission de télévision consacre une soirée à cette affaire mystérieuse, et sollicite le témoignage du meilleur ami de Julio et réalisateur du film, Miguel Garay. En se rendant à Madrid, Miguel va replonger dans son passé…
Compte rendu de la séance
John
Il était difficile de fermer les yeux et trouver le sommeil après ce film et le débat qui s’en est suivi. Le réalisateur de 83 ans nous a offert un genre testament dans lequel il déclare son amour inconditionnel pour le cinéma, même s’il ne fait plus de miracles depuis Dreyer et ne ressuscite pas les morts. Les testaments sont à la mode au cinéma actuellement et nous avons vu récemment les derniers films de Spielberg et de Woody Allen entre autres, qui s’inscrivent dans cette tendance.
Une spectatrice a relevé dès les premières images une statue de Janus à double tête, une tournée vers le passé l’autre vers l’avenir. Un passé dans lequel Victor Erice a réalisé quelques longs métrages, beaucoup de courts-métrages et a écrit des livres et des scénarios. Ce passé qui peut s’effacer car ses images et ces écrits sont solubles dans l’oubli, même numérisés. Ce passé fait d’une multitude d’instants, comme des secondes qui s’égrènent, des gouttes d’eau qui tombent d’un robinet. Erice joue constamment sur l’instant figée et son image ainsi que sur l’enchaînement de ces mêmes instants pour créer un semblant de continuité, soit le déroulement d ‘une vie. La vie est un film en forme de folioscope mais quelle trace va t’elle laisser ? La seule réponse proposée semble être la trace génétique qui est ineffaçable à condition d’être transmise. On verra que cela ne sera pas toujours le cas.
Le film se présente comme une poupée russe avec trois énigmes, forme actuellement très utilisée au cinéma, avec à nouveau un film dans le film. Trois quêtes, la première celle du « roi triste » protagoniste du premier film, à la recherche de sa fille qu’il veut voir une dernière fois avant de mourir . Le roi du jeu d’échecs serré dans sa main qui dialogue uniquement avec son fou, Monsieur Lévy reste seul avec son serviteur chinois qui voit tout (malgré ses lunettes à verres foncés), entend tout et ne dit rien. Notre roi reverra sa fille et mourra, elle-même lui fermant les yeux. Fin de film, fin de vie, le projecteur s’arrête.
La deuxième quête sera celle du réalisateur du film du roi triste qui part à la recherche d’un de ses acteurs disparu depuis plus de vingt ans et victime d’une amnésie retro-active et que l’on appelle Gardel, célèbre chanteur de tangos ( voir ci-dessous). Dire plus serait dommage pour un futur spectateur alors je me tais. La troisième celle du réalisateur qui cherche à trouver un sens pour sa vie, celle qui lui reste, celle à choisir dans la mesure du possible sans jeu de dés.
On adore un magnifique travail sur la mémoire procédurale et la mémoire auditive (voir Gardel) où l’on voit les protagonistes coopérer, et s’aident pour résoudre l’énigme majeur et confirmeront ainsi l’identité supposée de l’acteur disparu qui chemine pieds nus sur le petit chemin de sa nouvelle vie.
Très beau film qui ne semble jamais trop long, encore bien plus riche que ce que je suggère dans mon petit mot.